Être parent et éducatrice différemment. Bienveillance, école-maison, éducation alternative au quotidien.

​L’histoire de l’enfant de 3 ans qui refusait d’avancer 


Je pense que c’est une des situations, comme parent, qui est vraiment difficile à gérer positivement sur le coup. Tu es plutôt impuissant, parce que si tu es comme moi tu pousse déjà une lourde poussette et il n’y a aucun moyen de revenir à la maison sans un minimum de collaboration du dit-enfant.
 (…)

Ce matin, une de mes filles as oublié quelque chose qu’elle tenait à apporter à l’école pour la dernière journée. La solution “simple” est celle-ci : aller lui porter avec la poussette double et ma 3 ans en vélo. Je sait pertinemment avant même de partir que ce n’est pas la bonne journée pour ça, elle est de mauvaise humeur aujourd’hui; les risques que ça vire mal sont augmentés x 10. 

Elle est enthousiaste face à l’idée d’aller porter le sac à la secrétaire (c’est pas sa première fois héhé). Je sait que c’est une distance qu’elle maîtrise bien. Donc. On va à l’école. Tout va bien. On fait même un coucou à sa soeur qu’on voit dans la cour arrière. Tout va bien.
On amorce le chemin du retour.

Oups.

Elle déclare ne plus vouloir faire de vélo. On est à 50 mètres d’un arrêt prévu déjà dans un champs de fleurs sauvages pour en cueillir (j’avais même apporté son sac de cueillette!)
Toutes les paroles de motivations du monde sont prononcés. On est à 40 mètres des fleurs, elle refuse de faire un seul pas. Un camion de nettoyage des égouts se stationne à côté de nous. Ça pue. Elle n’avance pas. Les autres enfants aiment regarder le camion, il semble que seuls les adultes soient affectés par l’odeur.
Je lui propose de l’eau. Elle boit. On réussit à traverser la rue. Elle refuse d’avancer. Les fleurs à 30 mètres.

Bref. On finit par arriver aux fleurs. Regain d’énergie. Elle cueille joyeusement des fleurs. On repart. 5 mètres, 10 mètres, tout va bien.
50 mètres. Plus que 850 mètres avant la maison. Elle refuse de nouveau d’avancer. Elle veut être dans la poussette mais c’est impossible à cause du vélo à trainer. Je propose de marcher pendant que je met le vélo dans la poussette ou de faire du vélo, au choix. Elle refuse.
 Elle se couche par terre sur le trottoir. Rien à faire. J’ai envie de la menacer de ne plus jamais l’apporter en promenade de sa vie mais je sait que c’est inutile. Je parle aux autres enfants, on regarde les fleurs ramassés. Je réfléchis. Je sait qu’il est possible qu’elle soit fatigué pour vraie. J’en suis absolument consciente mais c’est une des fois où je suis limité dans les possibilités. C’est un enfant habitué de faire des distances plus longues pourtant. Je réfléchis. Un passant passe et lui fait un commentaire. 
J’essaie la motivation : on va faire un bricolage avec les fleurs à la maison?
J’essaie l’accueil des émotions, les blagues, tout. Mais il n’y a rien qui marche. Je suis une maman prisonnière d’un trottoir, incapable de retourner à la maison. Je me sent pris au piège et c’est un sentiment dangereux, parce que je suis consciente qu’il peut me faire basculer vers le réflexe primitif : attaquer ou fuir. Ce qui dans ce cas risquerait de se manifester par des cris de colères inutiles, qui ne fonctionneraient pas. 
Je rationalise. Ça m’est déjà arrivé et chaque fois j’ai finit par retourner chez nous (!!!).
J’imagine le titre de l’article de blog que j’utiliserai pour en parler (parce qu’écrire fait partie de ma façon de réfléchir, analyser, vivre des émotions.)
Je suis calme. Je joue avec les autres enfants. Puis je cherche son besoin et comment y répondre.
Je propose : “oh, il fait chaud, veut-tu de l’eau sur tes cheveux pour avoir moins chaud?”
Elle accepte. Et son vélo repart. 800 mètres. 700 mètres. Encore de l’eau. 600 mètres, 500 mètres. De l’eau sur ses vêtements. Et elle repart enthousiasme. 400 mètres, 300 mètres… Et la maison.

Ma 3 ans est toute mouillée mais nous sommes arrivés.

Bref. C’est l’histoire d’une 3 ans qui refusait de marcher, probablement parce qu’elle se sentait impuissante face à toutes les émotions, la fatigue, la chaleur. C’est l’histoire d’une maman qui se sentait impuissante parce qu’elle avait besoin de la collaboration d’un enfant qui n’était pas disponible pour collaborer.

3 commentaires

  1. Natacha Butzbach

    Hier, nous avons eu droit à une avalanche d’articles de ta part.
    Je ne sais pas si c’était prémédité ou si tu as spoilé les articles des prochaines semaines… Mais quel délice!

    Je les lis et lirai (et pas tous aujourd’hui) car tu corresponds tellement à ce que j’applique et appliquerai avec ma fille (13 mois actuellement).
    Moi-même blogueuse, j’écris sur la bienveillance (en autres) et ce genre de témoignage enfonce le clou. La recherche des besoins et la clef, alors que les réactions explosives des adultes ou les manipulations subtiles ne font que masquer ce qui importe.

    Bref, Merci!
    J’ai de la lecture et j’en suis ravie! 🙂

  2. zoeleblancphotos

    Merci de ton commentaire!
    Hier j’ai en effet ajouté une section regroupant de petites histoires écrites sur la page Facebook pour leur donner une deuxième vie 🙂

  3. Natacha Butzbach

    Ah ! C’est donc ça ! Je me disais que tu avais été magnifiquement productive (loin d’être mon cas avec mes articles-fleuve… mais c’est parce que je suis psy et que je veux transmettre des choses précises ! 😅).

    Belle continuation en tout cas !