Être parent et éducatrice différemment. Bienveillance, école-maison, éducation alternative au quotidien.

Cher Laurent, voici notre histoire (Partie 3/3)

Crédit: Lisa-Marie Savard

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Pendant les premiers jours, je dors. Je dors. Je rattrape des mois de stress, de fatigue accumulée. Je reçois plusieurs doses de fer intraveineux. J’ai une fausse alerte, avec contractions, monitoring etc. Mes bras sont couverts d’hématomes causés par les voies veineuses qui s’accumulent. Puis, un jour, je me retrouve. Un matin, je décide de planifier une séance photo. Pour moi, c’est un signe de bien-être. J’aime profondément les photos, c’est ma façon de m’exprimer. Une amie m’avait proposé une séance en décembre, mais avec tous les rendez-vous, nous avions annulés… Puis, l’hospitalisation. C’est planifié pour le jeudi suivant.

Durant la même période, mon conjoint m’informe que l’équipe de génétique (ignorant mon hospitalisation) souhaitait nous rencontrer. Ça nous intrigue, on se questionne. Peut-être est-ce pour confirmer le résultat positif d’hémophilie? Une trisomie 21? Il faut savoir que nous avions refusé les tests de dépistages de la trisomie en début de grossesse, dont peut-être que c’était ça ? On ne savait pas trop à quoi s’attendre… bref, pendant deux jours je les ai attendus.

Un matin, ils sont entrés dans ma chambre. Ils ont parlé du contexte de l’amniocentèse.  Comme il bougeait beaucoup pendant l’amnio, ils n’étaient pas certains si c’était une erreur ou une vraie anomalie. 

Puis ils m’ont annoncé qu’un résultat anormal avait été découvert dans son ADN. Ils ont placé un cartable ouvert sur une séquence du bagage génétique de mon bébé devant moi et m’ont montré une petite tâche, qui ne devrait pas être là.

Typiquement, cette anomalie rare était associée avec : de l’épilepsie, de gros retards de développement, des problèmes de peau, des traits tsa et encore plus. Bref, ce matin-la, on m’a annoncé qu’il était possible que mon bébé naisse avec beaucoup de problèmes. Deux possibilités me sont proposées : faire une deuxième amniocentèse ou attendre la naissance pour tester directement le bébé.

Les généticiens sont partis consulter le gynécologue, et quand ils sont entrés, j’ai dit: Je suis prête, on le fait. J’ai choisi de faire une deuxième amnio pour savoir, bien que ça n’aurait pas changé notre désir qu’il soit avec nous. Nous voulions être prêts et j’étais incapable de figurer attendre deux longues semaines, avec tous les facteurs de stress déjà présents.

Moins d’une heure plus tard, ils sont venus me chercher, en chaise roulante. Ils m’ont conduit dans une salle d’échographie sur l’étage. Je me suis allongée sur la table. On a regardé mon bébé qui remplissait l’utérus presque complètement, et il y avait cette petite poche de liquide rendant possible le test. J’étais seule. Mon conjoint savait que j’allais faire le test (je l’avais appelé le matin) mais pas le moment. Personne d’autre ne savait, tout s’était passé si vite.

J’étais sur la table. Ils ont inséré l’aiguille. Mon corps s’est défendu et j’ai expérimenté la pire sensation de ma vie. J’ai eu une contraction alors que l’aiguille était dans mon utérus. En quelques secondes, j’étais en sueur. Je répétais: Je ne me sens pas bien, ça va pas. J’ai pensé m’évanouir. On m’as apporté une débarbouillette, baissé la tête… C’est la même gynécologue qui était a mon accouchement presque deux semaines plus tard et quand elle a vu mon conjoint, elle est allée le voir et lui as dit: “ Je veux que tu sache que ta femme a été très courageuse. “

On m’as ensuite rapporté dans ma chambre. La préposé est venue faire une visite éclair presque immédiatement pour prendre des nouvelles. Elle m’as apporté de l’eau froide, conseillé de me reposer.

J’avais prévu faire une séance photo de ma grossesse le lendemain et je l’ai reporté pour faire mon 48h de repos. C’était une journée très difficile. (Pour voir la séance, elle est sur le blog de la photographe ici)

Fruit du hasard, le réseau d’internet ne fonctionnait plus cette journée la. Seule dans ma chambre, j’ai écris ce texte en attendant de pouvoir contacter ma famille et mes amies. C’était aussi, la première fois que je parlais publiquement sur mon blog de ce qui m’arrivait les derniers mois.
(….)


Croire que le monde est bon, mon bébé / Notre vérité, notre réalité

Me voilà, à quelques jours de ta naissance, naviguant dans l’incertitude alors qu’un test à semé le doute sur ton bagage génétique. La maternité, c’est magnifique. Être le témoin, le nid d’un être humain en développement. Sentir ton évolution, tes coups, connecter ensemble.

Mon bébé, je ne sais pas. Si tu souffriras. Ce qui fera parti de toi. Ce que deviendra notre réalité. Il y a tant de choses que j’ignore encore.

Mais ce que je sais mon bébé, et ce qui me rassure pour toi. C’est que le monde est bon. J’y crois. Je reçois les preuves chaque jour que tout finit par avoir du sens, et qu’il faut faire confiance.

Je suis dans une dure journée, d’une dure semaine, d’un dur mois,d’une dure année.

J’en suis au point où les difficultés ne me suis surprennent plus. La seule façon de tenir dans ces périodes où l’hiver semble éternel, c’est de se concentrer sur les éclats de soleil. Reconnaître chaque parcelle de bon. Y accorder de la valeur. Des choses simples comme recevoir en cadeau exactement ce qu’il me manque pour toi (TA doudou à toi) le même jour qu’une mauvaise nouvelle. Voir une logique dans le déroulement des choses (et si l’hospitalisation voir même le début de travail prématuré faisait du sens ? )

Je suis profondément heureuse de ta venue, mon fils, le dernier bébé que je porterai. Te construire est difficile. Mon corps est fatigué. Ça fait plusieurs mois déjà qu’on découvre un monde entourant la grossesse qu’on n’avait pas prévu. Une grossesse médicalisée. Amniocentèse. Cartotypes. Facteur 8 au frigo. Intraveineuse de fer pour se préparer à l’accouchement. Des médicaments pour arrêter le travail. Des rendez-vous. Passer le lendemain de noël à st-justine. L’hématologue.Transfert en ambulance d’urgence. L’hospitalisation. Le gare. Les semaines loin de la maison.

On retient son souffle dans la tornade. Surnommer l’accouchement la délivrance prends tout son sens. C’est le moment où on espère pouvoir retomber dans la normalité. On vit dans un déni de survie, certains disent que cet accouchement comporte des risques pour ma vie. On mise tout sur le médical, c’est l’endroit le plus sécuritaire après tout? On y croit parce que croire le contraire ne ferait aucun sens. Personne ne veut un bébé pour le rendre orphelin en lui donnant la vie.

Alors on rêve. Pour toi. Pour tes soeurs. Pour moi aussi. On rêve à un monde de douceur. Lire des histoires collés. Jouer dans la neige et boire du chocolat chaud. Dormir collé contre toi. T’allaiter. Voir tes soeurs jouer et utiliser leur imagination. Te voir réagir à leur interaction.

Le quotidien simplement. Beau. Doux. Suffisant.

Oh, mon bébé. 

J’ai besoin de croire que le monde est bon, de m’y accrocher.

Et j’espère qu’en grandissant, tu découvrira que j’avais raison d’y croire.

Je serai là. Et la vie sera belle. Peu importe les détails.

11-12 janvier
Mon conjoint, sa mère, et nos filles sont venus dormir à Montréal pour ne pas me laisser seule avec les résultats. Nous avons organisés rapidement le séjour vu les circonstances. On saura ce qui en est dans les 48 heures. C’est aussi la dernière fois que j’ai vu mes petites avant l’accouchement.

Juste avant leur arrivé, le généticien est venu me voir pour m’annoncer que les tests préliminaires montraient que mon bébé allait bien. J’ai donc pu leur annoncer dès leur arrivée.


Après cette intermède remplis de temps privilégiés avec eux, la routine d’hospitalisation reprends. Je me réveille heureuse de ne pas avoir accoucher pendant la nuit, je commande mon déjeuner, toujours le même: du pain dorée avec des mangues. Je prends mes médicaments et nous écoutons le cœur de bébé pour confirmer qu’il va bien. Mon conjoint appelle. J’alterne la télé, des livres, des siestes. Parfois je lis même des livres de préparation à l’accouchement parce que j’espère encore avoir un accouchement naturel.  Je prends ma douche. Le dîner. La préposé qui vient changer les draps aux trois jours, me rapporte de l’eau. Le souper. Les enfants m’appellent par vidéo ou par téléphone pendant le souper, je leur montre ce que je mange. Le soir, parfois, je lis des histoires a distance, je chante pour elles. Puis je m’endors devant la télé, couché sur le côté gauche. La nuit est terrifiante: mon travail commence souvent la nuit, et chaque nuit je suis réveillée par des contractions causés par ma vessie pleine. Chaque fois j’ai peur que ce soit le début de mon accouchement.

J’ai besoin que mon conjoint soit la, je m’y accroche. Il est ma seul sécurité dans une ville que je ne connais pas, dans un hôpital dont je n’ai connu si peu. J’ai besoin de lui, profondément pour être capable d’affronter ce qui s’en vient. 

Au milieu de la tempête, je t’attends.

Crédit: Lisa-Marie Savard

En trois semaines hospitalisée, j’ai souvent été étonnée de la météo montréalaise. Parfois il neige, mais la plupart du temps, ça semble se transformer rapidement en neige fondante même au cœur du mois de janvier.

Aujourd’hui c’est différent, la tempête que je guettais par la fenêtre depuis hier est maintenant la. Enceinte de tes sœurs, c’était l’automne que je surveillais par la fenêtre de ma chambre pendant les dernières semaines de ma grossesse. Je me reposait en fixant l’arbre, remarquant les feuilles au vent, leur changement de couleurs. Je les regardait tomber alors que mon ventre s’arrondissait et que leur naissance approchait, sans savoir quand exactement ça se produirait.

J’ai troqué l’automne pour l’hiver, ma chambre pour une chambre d’hôpital et l’incertitude du moment de l’accouchement pour une date de déclenchement.

Ce flottement entre deux monde par contre, reste le même. Me voilà pleine d’un bébé que je ressent connaitre profondément avec la certitude qu’il est exactement ce qu’il doit être, alors que je ne l’ai jamais vu. Je n’ai jamais senti la douceur de ta peau encore, mais je connais ta réaction à mes caresses, à ma voix. Je ne sait rien sur toi mais je sait tout alors qu’on est connecté ensemble de façon plus profonde que jamais pour quelques heures encore.

Je ferme les yeux, j’essaie d’imprimer dans ma mémoire chacune des sensations, chacun de tes mouvements. Je m’ancre dans le moment présent pour pouvoir mieux me souvenir de ce moment. Après des mois ou être enceinte de toi fut la normalité, me voilà à l’aube de redécouvrir la sensation d’un ventre vide.

Heureusement, il y a ce quatrième trimestre que je laisserai s’allonger, pour toi autant que pour moi. Il y a ces heures, ces semaines plutôt, ou nos corps seront tellement proches qu’on oubliera tout les deux parfois que tu n’es plus vraiment en moi. Mon corps continuera de te fournir les nutriments pour grandir, partager sa chaleur et tu pourras rythmé ton cœur aux battements du mien, jour et nuit.

mon bébé, dehors c’est la tempête, et me voilà, qui t’attends.

J’ai chanté et tu es né

“Michaud est grimpé dans un grand pommier…”

Alors que tu te développes doucement à l’intérieur de moi, je chante. Pour tes sœurs. Pour les enfants de mon milieu. Un peu pour toi aussi.

Le soir, quand les bruits du quotidien s’éteignent alors que tes sœurs s’endorment, je te parle. Dans mon lit, les mains sur le ventre pour ressentir tes mouvements, je te raconte le bonheur, la hâte, l’attente… Mon bébé, notre relation as commencé bien avant que tu soit né….

“C’est la sorcière tikipik, qui a un… ”

1 octobre 2018.

Papa et moi sommes dans le camion, sur le chemin du retour vers la maison. Nous sommes encore sous le choc de la nouvelle, un peu excités, surtout surpris. Tu seras un petit garçon!! Mon fils. Nous choisissons alors un prénom pour toi: tu t’appelleras Laurent.

“Petit papa noël, quand tu descendra du ciel…”

25 décembre 2018

Nous voilà au coeur du moment le plus doux de l’année, les vacances de Noël. Fabrication de biscuits. Décoration du sapin. Le matin de Noël.

Mon ventre est rond de toi et je me délecte du spectacle du quotidien en me reposant sur le futon, au milieu du salon. Je chante 100 fois cette chanson sur le personnage rouge et blanc à la demande de ta soeur la plus jeune.

Tu danse dans mon utérus au rythme des rires, parfois des chicanes de fratrie. C’est bruyant, c’est un bonheur un peu chaotique. C’est la vie à 6, en attente de devenir une vie à 7.

Souvent; un câlin de Charlotte pour toi. Elle mets ses bras autour de mon ventre et scande: j’aime bébé Laurent!! Il va sortir quand?

1 janvier.

Je te parle, constamment, une seule demande pour toi: “attends un peu mon bébé. Tout ira bien mais attends un peu. Attends qu’on soit à l’hôpital. Attends que les médecins soient prêts. ”

Quand le travail prématuré s’arrête enfin, je m’endors les mains entourant mon ventre, sur une dernière pensée “Tout ira bien mon bébé.”

Et puis encore ma voix. Encore la même demande. “Attends encore un peu mon amour.” Je ferme les yeux sur la route Trois-Rivières/Montréal alors que l’ambulance file. J’imagine la connexion entre nous deux, faites de lumière, qui te protège.

À 30 minutes de l’arrivée, j’ai une certitude : “tout ira bien maintenant, nous sommes en sécurité mon fils.”

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“C’est la poulette grise, qui a pondu dans l’église, un tout petit coco, pour Alice qui fera dodo…”

Le silence. Dans ma chambre en gare, c’est le silence. Il y a une télé que je laisse allumé jour et nuit pour moins ressentir le poids du silence, mais ce n’est pas pareille.

Quelques fois par jour, une fenêtre s’ouvre sur la maison alors que je parle par téléphone ou vidéo aux enfants (et à papa!). Je reconnais les bruits en arrière-plan et ils me font sourire. Papa me fait rire chaque fois alors qu’on se parle longtemps, comme des adolescents…

Et je chante. Pour apaiser ta sœur quand elle s’ennuie trop fort. Pour montrer que je suis encore là, encore maman, même à deux heures de route. Pour toi aussi, pour te rappeler la maison même au coeur du silence. Je chante tout mon répertoire donc, 20 jours durant, un appel à la fois.

“1,2,3,4,5,6,7, violette, violette, 1,2,3,4,5,6,7, violette à bicyclette.”

Je chante quand j’ai peur aussi. Je compte pour me rappeler que la douleur a toujours une fin, mais au fil du temps j’ai associé les chiffres à cette comptine enfantine mille fois chanté. Quand je suis seule et que ça fait mal, je fixe l’horloge et je chante dans ma tête. Nous ne formons qu’un encore et je reste convaincu que tu ressent même les paroles que je ne dit pas.

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Un objectif à la fois, les jours passent.

Nous atteignons 36, puis 37 semaines de grossesse. Mon hémoglobine remonte.

Parfois, j’ai peur et compter ne suffit pas. Alors j’ai écrit une série de phrase sur la tablette pour reconditionner mon cerveau. Plusieurs fois par jour, je répète ces affirmations positives : “tout ira bien, quand les vagues débuteront, ce sera le bon moment. Nous sommes une équipe et la douleur me rapprochera de notre rencontre. Ensemble, nous allons y arriver.”

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Une routine se créer. Dans ma vie de maman hospitalisée. Écouter ton coeur deux fois par jour. Regarder dehors, les mains sur mon ventre et profiter du moment présent. Chaque fois que je suis debout, je place mes pieds et je me balance quelques secondes d’un à l’autre, je me concentre à ressentir ton poids, cette sensation unique d’être deux dans un corps. La plupart du temps, je suis couchée sur le côté gauche. Je limite tout le reste parce que ça réveille les contractions. Ce rythme simple, ponctué par la routine des préposés, les repas, les appels, c’est notre réalité pour quelques semaines.

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21 janvier 2019

J’ai toujours été fascinée par le temps. Le passé, le présent, le futur. Quand j’ai peur, je visualise le futur pour me sentir moins piégé dans le présent.

Ce matin là donc, je t’imagine dans mes bras, puis dans ton siège d’auto alors qu’on reviendra vers la maison.

Nous sommes le 21 janvier 2019.

Aujourd’hui mon bébé, tu naîtra.

Je suis incapable de déjeuner. Je suis en latence depuis plusieurs jours déjà. C’est une drôle de sensation que de savoir exactement quand tu naîtra, c’est la première fois qu’on déclenche mon accouchement.

Je suis soulagée parce que c’est une gynécologue que j’ai déjà vue. Très sympathique. Elle est joyeuse, positive elle me dit : ” on est tellement prêts que tu ne saigneras pas, c’est souvent ça. On se prépare pour le pire et tout va bien! ”

Pour la première fois aussi, je suis positive au test de streptocoque. Je ne suis pas surprise car depuis le début de cette grossesse, il me semble que je ne vit que des premières fois… Premier garçon, premier suivi à st-justine, première amnio…

C’est aussi la première fois en cinq grossesses que je demande la péridurale. J’ai toujours été contre. Ce matin-la, je l’ai demandé pour la même raison que je la refusait normalement.

Je n’ai jamais eu de problème à accepter les contractions parce qu’elle me rappelle que mon bébé arrive bientôt. Sauf que c’est exactement ce moment-là qui me terrorise. Les risques pour toi et pour moi, donc on me parle depuis des mois.

J’ai regretté la péridurale (qui n’as pas vraiment fonctionné d’ailleurs) à la seconde où tu es né. Mais j’ai accepté que la peur, le stress, peuvent nous faire aller parfois même contre nos valeurs, et alors on fait ce qu’il faut pour survivre.

J’avais tellement peur que je pensais être incapable de tolérer les vagues, alors j’ai choisi l’engourdissement pour fuir.

Me voilà donc, dans la salle d’accouchement, avec un cathéter dans le bas du dos.

Vers midi, on a crevé mes eaux. C’était assez étrange. Avec papa, on parlait, on riait, je n’avais pas encore de grosses contractions. Je suis habitué aux accouchements éclairs, intenses, alors l’attente, c’était nouveau.

Environ 30 minutes après, on m’as ensuite donné un médicament pour provoquer des contractions plus fortes. Ce médicament a été augmenté ensuite aux 30 minutes.

Vers 2h, mon col avait dilaté un peu. De 4 à 5 centimètres.

On faisait des blagues avec la gynécologue, les infirmières sur la possibilité que contrairement à toutes attentes mon accouchement soit très long.

Vers 3h, les contractions sont plus douloureuses, plus fréquentes. Je me fait des points de pression aux mains pour mieux gérer la douleur. On observe mon col: 6cm.

Dans mon protocole d’accouchement, un des points “importants”, c’est que je dois recevoir un médicament intraveineux environ 1h avant l’accouchement, vers 7-8 centimètres… Alors que je ne suis qu’à 6 centimètres, l’infirmière et gynéco se demandent si elles devraient le donner ou attendre.

Il est décidé donc de me le donner vers 3h15. Le médicament met 10 minutes à être administré.

Les contractions sont plus fortes que jamais. Elles résonnent dans tout mon corps. Elles me surprennent parce que je ne suis qu’à six centimètres, j’ai l’impression que le chemin sera encore long…

3h25. La pompe à soluté sonne la fin alors que les fortes contractions sont là sans relâche. Une sensation familière. Je réalise que cette pression que je ressens, c’est ta tête dans mon vagin alors que tu fait ton chemin. Ça pousse déjà.

J’avertis l’infirmière qui vient d’arriver (changement de shift! ;)).

Elle regarde rapidement : “Oh. Je voit ses cheveux.”

J’était seule* dans ma chambre avec papa et puis la chambre est pleine. Ils sont prêts pour toi, et pour moi.

Ce moment a été planifié, médicalement, depuis des semaines. Ma chambre d’accouchement est même situé en face de la pharmacie où du sang, du facteur 8 et tout le nécessaire est prêt. Plusieurs médicaments sont déjà dans la chambre. À côté de mon lit, un protocole d’accouchement est affiché avec des mots surlignés en jaune.

Mon bébé. Je laisse les contractions guider ton chemin.

Tu descends doucement.

Je regarde dans le miroir au dessus de moi. Nous sommes dans une pièce pleine de gens mais il n’y a que nous.

Ta tête sort au ralentis, guidé par la main de la gynécologue. C’est ma poussée la plus douce. On laisse mon corps faire le travail, se rythmer au tien. Ta tête est là et j’ai l’impression que tes épaules sont à milles lieux. Puis la contraction suivante te pousse hors de moi.

“Attrape ton bébé!” me dit la gynécologue. Je pleurait et à ce moment mes larmes se transforment en joie immense. Je pleure et je rit. Ensemble, nous avons réussi!! Ça me semblait impossible mais nous y sommes mon bébé!!!

Je t’observe. Mon regard passe à la gynécologue. Ils sont trois au dessus de moi, à injecter des médicaments, masser mon utérus et surveiller les saignements. Je la regarde. Elle me regarde et me dit que tout va bien.

On t’apporte pour t’examiner sur la table de réanimation. Un peu d’oxygène, ils cherchent les signes d’hémorragie et surtout des signes d’hémorragie dans ton petit crâne.

Pendant ce temps, ils s’occupent de moi. Je saigne plus que la moyenne (malgré une tonne de médicaments!) mais pas d’hémorragie.

Ils te ramènent à moi, je te donne le sein. Puis tu part avec papa à la pouponnière puis pour ton échographie crânienne. Celle-ci nous confirmera que ta naissance n’as provoqué aucun saignement interne.

“C’est la poulette grise, qui a pondu à l’église, un tout petit coco, pour Laurent qui fera dodo….”

Un grand soulagement. Je te berce plus tard ce soir là dans la chambre et je revis. Je te chante une berceuse, juste pour toi cette fois-ci. Après des semaines, des mois, à parler, peser, tenter de contrôler les risques, nous voilà enfin dans ce après tant attendu.

Tu es né, et nous sommes encore tous les deux en vie. Mieux encore, nous sommes encore tous les deux en bonne santé.

“Je te l’avais dit mon bébé, nous avons travaillé en équipe et nous voilà ensemble.”

J’ai vécu ces mois avec une épée au dessus de ma tête, à craindre chaque contraction parce qu’elle aurait pu signifier le début de la fin, et voilà que c’est terminé. Libéré.

Je te berce mon bébé, j’admire tes traits, ta perfection. Je n’ai plus peur, il n’y a que l’amour maintenant.

Le 23 janvier, je t’ai regardé dans ton siège d’auto, sur la route entre Montréal et Trois-Rivières, et je me suis revue, dans ma chambre d’hôpital, visualisant ce moment.

Depuis 11 jours maintenant, le temps a prit une autre saveur. J’ai épousé ton rythme, sans jour ni nuits, un fuseau horaire parallèle rythmé par tes boires, tes éveils…

Tu es un bébé merveilleux, paisible, confiant. Tu bouge ta tête de temps en temps, en dormant, pour mieux te coller à ma peau, et tu dors simplement. Tu regardes tes soeurs avec tes grands yeux.

Tu n’as pas sourcillé une seule fois face aux bruits de tes sœurs, malgré les semaines de silence à l’hôpital, il semble que tu as reconnu ce cadre de bonheur bruyant.

Oh mon bébé. Parfois le temps a semblé si long. Mais voilà. J’ai chanté, et tu es né.

Fin janvier. Je chante pour endormir ta soeur en la berçant, vous vous endormez au même moment. Retour à la normale.

1 commentaire

  1. Lisa-Marie Savard Photographie

    Comme c’est beau! Ça me fait plaisir d’y voir mes photos en plus! Je suis certaine qu’il aimera lire ce récit lorsqu’il sera plus vieux ^_^