Être parent et éducatrice différemment. Bienveillance, école-maison, éducation alternative au quotidien.

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Semaine de l’allaitement / Un jour je suis devenue maman, et j’ai allaitée.

Ça m’est apparu comme une suite logique. Pendant la grossesse, mon corps fournissait le nécessaire pour mon bébé, et ce fut pareil lors des mois/années suivant sa naissance. J’ai choisi de croire profondément au lait humain, et ça a pris plusieurs formes au fil du temps. Cinq histoires d’allaitement, cinq chemins différents, tantôt court, tantôt long.

Parfois, je me suis battue pour allaiter, contre mon corps, contre les circonstances, contre les protocoles hospitaliers. J’ai sorti le tire-lait, les tisanes de lactations, les arguments.

Oh, cette détermination. J’ai la chance d’avoir un mari qui l’a partagée, qui n’a jamais hésité à protéger mon allaitement. J’ai la chance d’avoir un réseau d’amies qui y croyaient autant que moi. Des ressources facilement accessible dans ma ville.

On pourrait croire qu’à force, c’est devenu banal. Mais non. Pour vous dire, chaque fois que je suis enceinte, j’ai encore du mal à y croire. À imaginer qu’encore une fois, un bébé rampera jusqu’à mon sein. Et que ce que je produis lui permettra d’évoluer pendant six mois. Parce que le lait maternel est bien plus qu’un simple liquide, d’ailleurs je trouve ça fascinant chaque fois que je lit sur le sujet.

Mes bébés ont but en solo, en tandem, pour se nourrir, pour se réconforter. J’ai allaité en soins intensifs, pendant un accouchement, en public, seule dans la nuit en admirant mon bébé. J’ai allaité une prématuré de 4 lbs pis un bambin de 30lbs. Parce que pour moi, le sein n’est pas que nourricier. Il est un repère pour le bébé.

J’ai allaité, j’allaite encore, ce ne fut pas toujours simple, ni linéaire, mais c’est un des choix auquel je crois profondément. Pour moi, allaiter était ce qui faisait le plus de sens.

Bonne semaine de l’allaitement, au plaisir d’entendre vos histoires d’allaitement !

(Photo: Mon petit bébé endormit, le petit cou étiré, tout détendu parce qu’il as bien bu.)

Le bain libre

Une des catégories d’articles pour bébé que je n’utilise pas c’est tout ce qui attrait aux bains. Nous pratiquons le bain avec un parent quand ils sont tout-petits tout neufs suivi du bain “libre” quand bébé vieillit un peu.

Pourquoi ?

– Nouveau-né, parce que c’est un moment de détente incroyable pour le bébé. Il se sent bien dans l’eau, on prend le temps de le laisser flotter, de l’emmailloter dans une doudou légère… Ça lui rappelle la vie in-utéro.

– Ensuite, parce que c’est un merveilleux moment d’apprentissage. Bébé agite les pieds, remarque le bruit de l’eau alors que ses mouvements sont de plus en plus forts. Il touche avec curiosité les bords du bain. Suivant les principes de la motricité libre, il est dans une position qu’il est capable de prendre seul, sans contention. Ça demande beaucoup de surveillance, mais ça en vaut la peine selon moi.

– Quand bébé arrive vers l’âge où il veut s’asseoir, mais glisse facilement, je peut ajouter une serviette au fond, le prendre avec lui ou je lui donne son bain dans l’évier pendant cette période, c’est plus facile ainsi pour lui. Rapidement, il apprends comment garder l’équilibre et rester assis dans le bain.

Nos bébés n’ont pas besoin de jouets à batteries.

Certains pensent que les bébés ont besoin de jouets lumineux et bruyants parce qu’ils ne sauraient pas jouer seuls…

Comme ils ne parlent pas, on s’imagine qu’ils ont besoin de quelque chose d’animé pour s’amuser plus facilement. On souhaite capter leur attention, les captiver, les émerveiller…

Et on oublie…
On oublie que pour eux tout est nouveau et fascinant sans avoir besoin d’artifices.

Qu’au fil du temps, leurs habiletés changent leur permettant de découvrir et redécouvrir de façon différente le monde autour d’eux chaque jour…

Nos bébés n’ont pas besoin de jeux à batteries.

Ils ont besoin plutôt d’être assis dans le gazon, de voir des fleurs, des feuilles, d’entendre les sons de différents endroits. De se laisser captiver par la lumière du soleil sur le plancher, la neige dehors.

Ils ont besoin de toucher du doux et du moins doux, d’observer en passant un objet d’une main a l’autre pendant plusieurs minutes. De sentir la différence entre durs et mou, entre léger et lourd, entre sec et mouillé…

Ils ont besoin d’entendre la voix humaine celle qui raconte, qui chante, la voix de maman et celles des autres. Et pourquoi pas d’entendre d’autres langues?

Nos bébés n’ont pas besoin de jeux à batteries.

Nos bébés ont besoin d’espace, de temps pour explorer les capacités de leurs corps, non d’être confinés dans des jouets supposément stimulants dans une position forcée. Ce qui est le plus stimulant c’est d’être par terre et libre d’explorer… Ils ont besoin de réaliser que lorsque tu tournes plusieurs fois sur toi-même, ce qui est autour de toi change.

Faites confiance à vos bébés, observez-les. Ce qui se passe devant vous est merveilleux.

Cher Laurent / Voici notre histoire. Partie 1

D’abord, il y a eu Alice. 

Notre rencontre dans la tempête : la naissance d’Alice
Chère Alice, 

Il y a quelques mois, alors que je pleure, dépassée par une crise de ta grande sœur; ton papa ne dit rien mais il a un pressentiment. Il n’est pas surpris du test positif quelques jours plus tard. C’est très drôle car tu es apparue dans mon ventre exactement le mois que nous avions prévu en blaguant : tu naîtras dans la même période de l’année que tes trois sœurs.

Les rencontres avec la sage-femme restent courtes et rapides au fil des mois : tu es mon quatrième bébé alors les questionnements sont rares. Nous voulons simplement un accouchement naturel, pour ensuite profiter de notre famille. Lors de la grossesse de ta sœur, ton papa m’avait dit que sa seule peur pour l’accouchement était que je meure, j’avais trouvé ça intense, pour moi ce n’étais même pas un risque. Cette fois-ci, il n’était pas stressé, il espérait seulement ne pas manquer ta naissance parce que j’accouche rapidement.

À l’échographie, nous rions quand on nous annonce que tu es une petite fille. Nous ne sommes pas surpris, après trois filles, il semble que je soit destiné à porter des filles.

Les sages femmes me rappelaient à chaque rendez-vous d’appeler dès le premier doute de travail; elles devaient avoir le temps d’arriver! Mon dernier accouchement a duré moins de 2 heures.

Je prépare ta naissance. La liste de numéros de téléphones d’urgence est affichée. Le piqué en plastique au bruit agaçant pour protéger le matelas. Je fait du yoga. J’utilise beaucoup le ballon pour soulager mon dos. Je dit à tout le monde que tu pèsera plus de 8lbs, je le sent…

J’ai tracé un grand décompte sur un carton dans la cuisine, chaque semaine nous encerclons le nombre de semaine de grossesse correspondant. Le mardi, nous encerclons le chiffre 40. Nous sommes curieux de savoir quand tu naîtra, sachant que ca arrivera bientôt. Ton papa, avec raison, a prédit le 4 novembre, une suite logique à la naissance de tes 2 dernières sœurs (elles sont nés à 40+2 toutes les deux, et pour toi ça donne 40+3).

Ce matin-là, un peu avant 5h, j’ai été réveillée par une contraction très douloureuse: rien d’anormal, c’était normalement un signe de vessie trop pleine. D’autres contractions, moins douloureuses ont suivis, avec seulement des 3-4 minutes d’écart. J’ai été prendre un bain rapide pour voir si ça arrêtait le travail: aucun effets.

À 5h tapant, tes soeurs se sont toutes réveillées une après l’autre. Elles se réveillent toujours vers six heures normalement alors ça m’as un peu déstabilisée. Je les ai envoyé déjeuner alors que j’essayais d’évaluer le sérieux ou non de mes contractions.

Vers 5h15, j’appelle la sage-femme, au cas où ce soit le bon moment mais je doute encore un peu, elle me réponds qu’elle viendra m’examiner au cas ou… Puis j’appelle ton papa qui est chargé d’appeler ta mamie afin qu’elle vienne s’occuper de tes sœurs.

Celles-ci déjeunent encore et discutent à table alors que je calcule les contractions dans mon lit en les écoutant parler. C’est la vie normale qui se déroule juste à côté alors que les vagues sont la, régulières. Je suis couchée sur le ventre, sous la robe de chambre de papa.

Vers 5h30, les contractions sont plus douloureuses, et papa me préviens que mamie aura du retard. J’appelle donc mon père qui habite plus près pour venir en attendant. À un moment Charlotte vient demander du lait-lait alors elle s’installe coucher à côté de moi et tête un peu avant de repartir. Pendant qu’elle boit, les contractions sont peu présentes, un cinq minutes de calme.

La sage femme arrive et salue tes soeurs, leur demandant si elles ont hâte de te voir. Elles ont effectivement très hâte !

Je suis encore couchée, dans ma bulle. Elle me demande où est le café et je répond un peu n’importe quoi, je suis là mais ailleurs. Je suis au milieu des vagues, dans mon cocon de chaleur.

Dès son arrivée, je mets mon téléphone de côté, je n’ai plus besoin de calculer les contractions, tu sera bientot là, je le sais…

Elle avait parlée de m’examiner au téléphone, mais finalement elle opte pour tout installer tout de suite… Elle est probablement consciente que ça risque d’aller vite.

Papi arrive juste après la sage-femme. Celle-ci s’occupe de tout installer alors que je continue de vivre dans les contractions presque constantes.

Mamie arrive, elle fait du café et je les entends discuter de tout et de rien. C’est un souvenir très important pour moi, je t’attends, on t’attends, dans le calme et le bonheur. La douleur est là, oui, mais dans le reste de la maison, la routine matinale continue.

Ta mamie prépare aussi un café pour la sage femme qui a été réveillée tôt.

Celle-ci m’examine finalement et je suis à 9cm, tu sera bientôt la! Il est environ 6h30. À un moment, j’entends ta mamie demander à la sage-femme si elle pense que tu naîtras ce matin, ce à quoi elle réponds que ce sera dans la prochaine heure.

Papa arrive enfin! Les contractions sont maintenant très intenses. Je demande à ce qu’on éloigne les enfants, alors comme prévue elles sont installés dans le sous-sol avec un film, coupé du son et de ce qui arrive en haut. Les points de pression me soulage énormément, je les exige à chaque contractions.

La douleur est très forte, ça me rappelle mon dernier accouchement, ce moment où seul la poche des eaux retient la tête. J’ai l’impression que je n’y arriverai pas, je tombe un peu en mode panique, la douleur est trop forte et je n’en peux plus. La sage-femme m’examine, tu es prête à sortir. À la prochaine contraction elle crèvera les eaux. La deuxième sage femme va chercher ton papa, qui est en train d’aider à installer les grandes en bas, elle lui dit de venir maintenant pour ne pas rater ta naissance.

Elle crève les eaux, je pousse, je sent ta tête descendre puis je la touche de mes doigts. Je pousse encore, ta tête est sortie, il ne reste que les épaules à passer. Tu pousses ton premier cri alors que j’attends la prochaine contraction pour pousser encore, et que ton corps est encore en moi…

6h45*: on te dépose sur moi. Mon bébé est là !

J’ai passé des mois à préparer la suite; nous avons acheté des draps remplis de douceur pour nos premiers jours ensemble, du jus en boîte (celui que j’ai eu de la difficulté à résister à boire en entier enceinte) est dans la table de chevet, le congélateur contient des repas rapides. J’imaginais ton arrivée dans mes bras rimer avec la fin de la douleur et le début du bonheur. Je te voyais ramper jusqu’à mon sein, tes sœurs venant te rencontrer…

Mais voilà, 6h46*, l’orage éclate. Tu es en parfaite santé mon bébé, mais dans la minute suivant ta naissance, ma santé à moi commence à décliner.

Je perds (trop) de sang, la sage femme tombe en mode protocole. Elle coupe rapidement le cordon et dit à papa de se préparer à te recevoir en peau à peau.

Tu as une minute de vie et tout ce qui était prévue pour la suite vient de s’écrouler.

On me donne une piqûre, un médicament sous la langue, puis un autre, puis un soluté. On m’aide à faire sortir le placenta espérant que ça fonctionne. Encore du sang.

On demande à ton papa, collé à toi, d’appeler le 911 “juste par prévention”, elles espèrent encore reprendre le contrôle. Le répartiteur est surpris que ce soit papa qui appelle, il lui demande pourquoi ce n’est pas les sage-femmes qui font l’appel et papa lui réponds qu’elles sont trop occupés.

Je voulais pour toi une naissance dans le calme, et tu vit tes premiers moments dans le stress ambiant.

La sage femme tente d’arrêter le saignement en maintenant une pression interne et externe sur l’utérus. À la seconde qu’elle retire sa main, de gros caillots passent. Elle remets ses mains en place pour contrôler le saignement. Les ambulanciers arrivent, elle les informe qu’elle ne peut pas retirer ses mains tant qu’elle n’est pas devant le gynécologue prêt à réagir. Ils m’installent dans un brancard sans jamais qu’elle retire ses mains. Ton papa les voient partir, leur demande quoi faire avec toi, la sage-femme réponds de venir les rejoindre à l’hôpital. Elle est avec moi sur le brancard alors qu’on embarque dans l’ambulance. Parfois l’autre sage femme prendra le relais pour la pression externe: sa main est engourdis. Elle essaye de me rassurer: peut-être que le saignement est déjà fini, elle ne veut prendre aucun risque. Quatre petites filles ont besoin de moi.

À l’arrivé à l’hôpital, ça semble un peu mieux. Elle retire sa main. Les saignements se calment légèrement bien qu’ils restent présents. Pendant ce temps, tu rencontres tes sœurs puis papa t’habille rapidement, tu feras ton premier trajet en auto à moins d’une heure de vie. Il vient nous rejoindre. Notre première rencontre ne dure pas longtemps; tu prends le sein quelques courtes minutes puis je dois te retirer: le bloc opératoire m’attends. Même si moins intenses, les saignements restent constants et personne ne comprends pourquoi : j’ai pourtant reçu plusieurs médicaments et ça devrait être complètement arrêté. En attendant le bloc, tu es pesé. Depuis des semaines, je dit que je sent que tu dépassera le 8lbs, et j’ai raison. Tu pèse 8lbs 1 once.

Vers 10 heure. Je pleure en attendant mon tour au bloc, tu va avoir soif et tu as besoin de moi. Le médecin me rassure, une révision utérine et peut-être un curetage, c’est rapide. 45 minutes et nous serons ensemble mon bébé. 45 minutes et enfin nous serons tranquille, à se coller.

Je suis endormie.

[….]

2 heures passent. Papa n’as pas de nouvelles encore. Peut-être un délais à cause d’une chirurgie plus urgente?

[…]

Les gynécologues viennent rencontrer papa et toi, qui m’attendez encore… Ils lui explique que ça ne va pas bien. Mon état est critique, je perds énormément de sang, et ni le curetage ni le ballonnet n’ont fonctionné. Ils m’envoient en radiologie subir une embolisation (en résumé : obstruer l’artère en passant par l’aine, afin de couper le flux sanguin vers l’utérus). Si ça ne fonctionne pas, ils vont enlever l’utérus. J’ai perdu 2 litres de sang, le saignement doit absolument arrêter.

(…)

Papa a peur, il pleure avec toi dans ses bras, en te nourrissant à la seringue (il évite le biberon pour préserver mon allaitement). C’est dur à admettre encore aujourd’hui mais il y a eu un moment où ils ont crains qu’on ne se rencontre jamais, mon bébé.

J’ai reçu quatre transfusions de sang et deux de plasmas. C’est en grande partie ce qui m’as sauvé mon bébé, on me l’as répété plusieurs fois.

Papa se couche avec toi en peau à peau.

De la chance dans la tempête : ma cousine travaille justement à l’hôpital ce jour-là et veillera à le supporter et l’aider à avoir tout le nécessaire pour prendre soin de toi.

[….]

Je me réveille vers l’heure du souper, j’ai soif. Je ne me rends pas compte des fils tout de suite, ni que je suis aux soins intensifs. J’ai juste soif et je ne peux pas boire. Je demande à te voir, ma gorge est douloureuse quand je parle.

On m’explique que je dois rester coucher absolument, de toute façon mon corps est trop faible.

Papa et toi arrivez, je suis presque incapable de bouger. Je ne peux pas te prendre ni t’avoir sur moi; l’infirmière prends le temps de t’installer à côté de moi…

Tu es belle mon amour.

Tranquillement je prends conscience de ce qui est autour de moi. La sensation des bas compressions sur mes jambes qui gonflent à un rythme constant. Mes 2 bras qui ont des solutés, la voie artérielle, les moniteurs, la sonde urinaire, la morphine libre-service. j’interroge constamment les infirmières sur tout, chaque bonne nouvelle sur mon état me rapproche de toi et moi collé dans mon lit.

Nous sommes ensemble mais je ne peux que te regarder. Regarder les autres te manipuler. J’ai droit à presque 2 heures avec toi, puis tu doit me quitter. Tu va dormir à la maison avec papa. Ta mamie va rester avec vous pour la nuit, afin que ton papa puisse revenir à l’hôpital en cas d’urgence.

Après ton départ, j’ai droit à un premier essais assis. Je mange du jello. Je dors. Je rencontre le radiologiste qui s’est occupé de moi. Il dit que j’ai été chanceuse, un timing parfait, il sortait d’une opération quand ils ont eu besoin de lui pour moi.

[….]

3 heures du matin.

Le responsable des soins intensifs vient me voir. Mon état va beaucoup mieux, ma pression a remonté, mon hémoglobine semble stabilisé. J’aurai mon congé des soins intensifs le lendemain matin. Il m’explique ce qui s’est passé: j’ai fait peur à beaucoup de gens. Il est merveilleux; il autorise dès maintenant l’allaitement et le retrait de certains moniteurs et d’un soluté pour que ce soit possible.

J’appelle ton papa, qui te prépare pour venir me rejoindre. Je suis très heureuse; enfin mon bébé nous serons ensemble !

On me met une poche de soluté qui brûle en pénétrant dans mes veines. Je t’attends.

21 heures après ta naissance, tu es enfin déposée à côté de moi, sans rien pour nous séparer. Papa doit m’aider à te mettre au sein mais nous sommes ensemble.

Quelques heures plus tard, ta tante prends le relais une deuxième fois de papa. Hors de question de nous séparer maintenant qu’on est ensemble, mais mes mouvements sont encore limités.

Le deuxième jour est difficile. Tu hurles quand j’essaie de te mettre en peau à peau. Tu refuses le sein. J’ai peur de ne jamais arriver à ce moment espéré : toi collé contre moi qui s’endort paisiblement en tétouillant.

Pour toi, j’ai une odeur de tempête, on dois prendre le temps de s’adapter ensemble, de te rassurer. Tout va bien mon bébé, maman est là.

Les levés sont atroces, j’ai mal, j’ai peur de saigner…J’ai besoin de quitter l’hôpital pour qu’on soit au calme toutes les deux mais je me rends compte que je n’aurai pas mon congé si je n’arrive pas à me déplacer seule. Je passe ainsi la soirée à forcer mon corps douloureux à se mouvoir. Le lendemain je convainc le médecin de me laisser quitter plus tôt..

La sortie d’hôpital est remplis de rires.. ton papa et moi sommes tellement heureux.

Notre petit nid dans mon lit. Puis doucement on y arrive. On dort collé une première fois alors que tu es bien emmailloté. Puis un autre jour tu prends le sein sans pleurs.

Et nous voilà à jour 7, collées ensemble dans les draps super doux, tu te réveilles, tête un peu, te rendors collée contre moi…

Le bonheur après la tempête…

(…)

Et Laurent….

Au coeur de cette journée du 4 novembre 2016, il y a eu ce moment, quelque part vers 12h30

-Est-ce que vous voulez d’autres enfants?

Les deux médecins le regarde fixement alors qu’ils attendent la réponse à cette question surprenante dans les circonstances. Ta grande sœur est née il y a quelques heures à peine.  Ton papa reste muet quelques secondes, égaré dans la tension ambiante. Il pressent que la suite ne sera pas rassurante. 

C’est qu’il s’attendait à ne voir que la gynécologue de garde, et voilà qu’elle est venue accompagné d’un collègue plus expérimenté. Il y a aussi le facteur temps, l’opération a été plus longue que prévue. Les infirmières ont tentés de le rassurer, supposant que d’autres cas plus urgents avaient dû retarder le début de la procédure. Cette hypothèse s’est effacée lors de l’arrivée des deux médecins au regard grave. Et puis il y a eu cette question.

Il lève les yeux et dit d’une voix incertaine.

Oui.

“Ok. Je dois vous prévenir, nous tentons présentement une embolisation. Si ça ne fonctionne pas, la prochaine étape sera d’enlever son utérus. Aucune des autres procédures n’as réussit à stopper l’hémorragie. “

Les blouses blanches repartent alors, laissant ton papa seul avec dans ses bras, ta grande soeur. Dans cette chambre d’hôpital du pavillon mère-enfant, pas de trace de ta mère, seul l’enfant y dort.

C’est dans ce oui, cet espoir d’être père à nouveau que ton histoire commença. Dans cette procédure qui as permis de garder un nid pour toi en mon ventre. À ce moment tu n’étais qu’un rêve flottant dans l’univers, une petite âme en attente d’une invitation à être. Il faudra plusieurs plusieurs mois pour que l’espoir pèse plus lourd que la peur et que tu sois invité dans notre famille. 

(….)

oh, Alice.

Le premier mois est difficile. Mon corps est faible. Je suis étourdie facilement, limitée dans mon énergie. Mon hémoglobine est basse et je le ressens. Je passe une grande partie de mes journées à dormir avec toi et te nourrir. J’installe la chaise berçante dans la cuisine et j’y passe de plus en plus de temps au fil des jours. Je suis heureuse, collée sur toi, à profiter de la vie de famille de ma chaise.

Noël approche, je t’installe en portage sous mon manteau et je vais prendre une première marche. Ta sœur est fascinée par les décorations, elle s’assoit pour les admirer.

En janvier, je vais mieux. Physiquement, je suis remise; j’ai gagné contre l’anémie.

Puis, après le corps, j’ai pu guérir mon esprit. Écrire, parler, t’aimer, pour faire le deuil, accepter…

J’ai fait un journal, j’y ai écrit tout ce que j’avais manqué, ce qui me rendait triste. Et de l’autre l’autre côté de la page, j’ai écrit tout ce que j’était heureuse d’avoir vécue. Au fil des jours, la colonne positive s’est agrandit et à dépassé le négatif.

Quelques mois après, j’ai revu le gynécologue, j’avais besoin de parler du futur. Il m’as regardé droit dans les yeux et m’as dit: ” si tu veux un autre enfant, je ne te laisserai pas mourir.” Il avait enchaîné sur le fait qu’il faudrait s’attendre à une grossesse normale, suivi d’un accouchement avec des saignements mais qu’on pourrait les maîtriser avec les bons médicaments. C’est que depuis peu, je suis maintenant suivie par un hématologue, nous avons découvert que j’étais porteuse de l’hémophilie.

….

Et nous voilà, Alice, à quelques jours de tes un an. Tu es mon bébé le plus calme, mais aussi la plus colleuse. J’aime être près de toi et toi de moi. Tu as une personnalité fascinante. Il y a quelques jours, tu t’es levé au milieu du salon et tu as marché, juste comme ça.

Un jour tu vieillira et tu découvrira la tempête qui a entouré ta naissance. Sache que c’est ok. Ca valait la peine: tu valais la peine, je n’en ai jamais douté.

Rayonnes mon bébé, car tu es né tel un soleil lumineux au cœur d’une tempête.

26 mai 2018: Je suis enceinte

Cher bébé,

Aujourd’hui, j’ai eu la confirmation de ton existence. Je sourit juste à l’écrire même si ça me semble encore irréel. Je dis la confirmation car avant même de voir la deuxième ligne, je savais. Tu fais parti de moi depuis quelques jours seulement, mais je savais. Simplement.

J’ai choisi un plan un peu particulier pour toi: j’ai envie de savourer l’attente de ta venue dans l’intimité. J’ai parlé de toi à une amie, et j’ai prévu l’annoncer à une deuxième donc je suis très proche : ma tribu.

Pour le reste du monde, ça attendra.

Il y a plusieurs raisons : entre autres, je sait déjà que la grossesse sera un peu plus médicalisé que nécessaire, et je n’ai pas envie d’entendre le stress des autres à ce propos. Mon bébé, nous avons un long chemin à parcourir ensemble avant que tu rejoignes mes bras et j’ai envie de le vivre simplement, dans mon cocon sécurisant…

Bref, mon bébé, je suis heureuse. Mais chut, c’est un secret. Un secret merveilleux.

A suivre…

Voici pourquoi j’insiste pour que tu déposes ton téléphone.

La réponse courte : pour les enfants. Que ce soit les miens, les tiens, les nôtres…

Je sais que c’est une discussion délicate à avoir en 2019, que c’est dans l’ère du temps et que je ne suis pas parfaite non plus. Qu’il semble que les limites soient encore à définir alors que les possibilités sont de plus en plus nombreuses à partir d’un écran tenant dans notre main.

S’il te plaît, lis moi jusqu’au bout. Je veux te témoigner ce que je vois, ce qui m’inquiète, ce que je vit.

J’ai envie de te parler des fois où tu commences un moment de la routine, qu’il s’éternise et que tu décroches ton téléphone parce que c’est long, longtemps. Pendant qu’ils brossent leurs dents ou finissent leur repas. Tu veux simplement te distraire.

Surtout, de ce qui arrive ensuite : ils partent de la table sans que tu ait remarqué qu’ils n’ont pas mené la routine jusqu’au bout et laissé traîner leur bol. Tu interviens mais déjà un peu trop tard, en réaction plutôt qu’en pro-action. Des reproches plutôt qu’un accompagnement.

Distrait.

J’ai envie de te parler des fois où les enfants jouent calmement et tes yeux suivent le fil d’actualité. Soudainement, une chicane éclate, au moment où tu lève ton regard il est déjà trop tard. Bien sûr, tu peux chicaner mais difficile de trouver des solutions quand tu n’as pas suivi le fil de la situation. Qui a commencé? Quels étaient les signe avant-coureurs?

Absorbé.

J’ai envie de te parler des fois où tu regarde Pinterest en t’abreuvant des réussites des autres jusqu’à ce que tes enfants agissent de façon dérangeante pour t’en tirer. De la conclusion trop rapide que ton cerveau tire alors: leur éducation c’est un échec. Faisant fit du bon, que tu n’as pas vu aveuglé par celui des autres. Parce qu’après tout, c’est parce qu’ils jouaient tranquillement que tu as eu l’occasion d’étancher ta soif de l’Internet.

Envieuse.

Oh, et je veux te parler de quelque chose que tu as probablement déjà remarqué. Tes enfants cherchent ton attention. Quand ils ne la trouvent pas dans le format désiré, ils se comportement mal. Et quand ils se comportent mal, je te voit plonger à la recherche de la solution. Sur cette écran des possibilités.

Cercle vicieux.

Tu doutes. C’est ce qui m’inquiète le plus. À force de t’abreuver de tout ce qui se fait, tu oublies ce que tu es. Bien sûr, il y a des idées mais n’oublie pas ton instinct. Quand tu es dans l’agitation, passant de la technique d’une blogueuse à une autre, tes enfants perdent leur repères et s’agitent. Concluant que tu n’as pas trouvé la bonne, tu change encore, ébranlant de nouveau leurs bases.

Trop d’informations.

(….)

Oh, je ne te fait pas la morale. Je voit le bon aussi, la possibilité d’avoir du support 24/24, de t’ouvrir à d’autres personnes comme toi, de découvrir des techniques qui vont réellement aider. Le problème n’est pas la technologie, ce téléphone est merveilleux. C’est l’abondance, le wifi, les données 24/24.

Tout ce que je veux t’expliquer c’est que, mon amie, mon conjoint, ma soeur, je pense que tu devrais lâcher un peu ton cell.

Fais-le pour les enfants.
et pour toi, aussi.

❤️

D’ailleurs, depuis juin, j’offre la formule parents en cheminement via courriel afin d’être accessible à ceux qui choisissent de fermer leurs comptes sur les réseaux sociaux. J’envoie même une copie de ce qui as été publié sur les réseaux sociaux pour rendre plus facile leur choix de ne pas y être. Beaucoup me confiaient alors que ma page était la seule raison qu’ils restaient sur celui-ci.

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