Ça semble assez simple comme geste : déposer le bébé par terre, idéalement sur le dos. Pourtant, plusieurs oppositions silencieuses risquent de surgir dans notre esprit, dont certaines qui ne reflètent aucunement pourtant les besoins de bébé. « Il va s’ennuyer » ou ‘ça a l’air plate, être couché là à ne rien faire. » Et puis, il faut se le dire, on se sent un peu coupable parfois, de le laisser là par terre sans être activement en train de le stimuler.
Alors, pensant lui offrir plus de variétés (et se fiant à une logique d’adulte disant que plus de variétés c’est mieux), on va le promener de station en station. Il passera du temps debout dans l’exerciseur, du temps dans une balançoire, etc., etc. Chaque endroit aura probablement des sons, des lumières différentes, parce que pour le divertir on choisira ce qui semble le plus stimulant.
La normalité des enfants se crée au fil des jours, et sans s’en rendre compte, on conditionne nos bébés et leurs attentes… Évidemment, leurs caractéristiques personnelles influencent grandement le tout (je vous évite le cours de psychologie, mais disons que c’est un jeu de ping-pong bien souvent entre ce qu’on offre et comment il y répond, qui nous amène à offrir différemment), mais à la base, il reste que tout ça a une grande influence. Les bébés nés en 1990 et 2018 sont très semblables, mais ceux des années 90 jouaient à parler au téléphone alors qu’aujourd’hui les bébés cherchent à « swipper ». C’est normal, c’est ce dont ils sont témoins qui devient leur normalité.
Pour un bébé, à la base, tout est intéressant. Regarder longuement des feuilles qui bougent ou une scène quotidienne de la maison, c’est suffisant. C’est à force de se faire présenter ‘mieux » sous la forme de jouets très bruyants et flashs qu’il en fait sa nouvelle référence et se désintéresse un peu du reste. C’est que les feuilles d’arbres n’attirent plus autant son attention lorsqu’il s’est habitué à ce que tous les jouets chantent l’alphabet en projetant des lumières.
C’est la même chose pour la position. Lorsqu’on le fait constamment passer d’une position « imposée » à l’autre, il s’y habitue sans être capable de prendre cette position par lui-même. Parfois, ses muscles voir son corps n’est pas prêt à être dans cette position. Surtout, on le coupe de la possibilité d’évoluer à son rythme et de franchir les étapes selon l’ordre naturel des choses.
Les perceptions d’adulte (le besoin d’être « divertit) sont souvent ce qui nous pousse à leur donner plus que ce qu’ils demandent.
Un bébé posé par terre a une grande liberté. Sa curiosité sera le moteur de son développement. Il regarde autour de lui et les bruits naturels de la maison le pousseront à l’effort de tourner la tête de chaque côté. Tranquillement, au fur et à mesure qu’il évolue, il découvrira de nouveaux points de vue. Et un jour, il roulera, rampera, marchera, grimpera… C’est l’évolution telle qu’elle se produit, instinctivement chez le bébé…
De la même façon, si on a toujours marcher pour aller à l’école et été satisfaits de cet état, il se peut qu’avoir une auto nous rende soudainement insatisfaits du même chemin à pied, et qu’on préfère utiliser chaque jour l’auto même si on est bien capable d’y aller sans celle-ci..
Déposer bébé par terre : c’est lui faire confiance, c’est lui donner des possibilités, une liberté, répondre à ses besoins… C’est simplement logique. Les défis vont venir naturellement au fil du temps, selon son développement. Un jour il arrivera à ramper, et ne souhaitera plus rester en place et ça sera parfait puisqu’il sera capable de se déplacer lui-même…
La motricité libre, c’est empêcher le bébé de se créer des attentes qu’il ne peut combler seul. C’est répondre aux besoins de son corps entier en refusant de lui donner une position qu’il ne trouvera pas par lui-même (ce qui est une indice que son corps est prêt pour celle-ci).
Appliquer la motricité libre lorsque bébé a déjà expérimenté autre chose peut être délicat, mais il est possible d’y arriver. C’est important, je crois, de prendre le temps et d’aider les poupons à s’y adapter. Comme on le dit souvent: on fait de notre mieux jusqu’à ce qu’on connaisse une meilleure façon de faire.
La motricité libre et la stimulation ne sont pas des opposés
La différence entre la non-stimulation et la motricité libre réside dans l’intention. Il y a une grande différence entre laisser bébé par terre dans un environnement non favorable au développement, ne pas lui porter d’attention et choisir de lui offrir un endroit sécuritaire et adapté a son développement. Il ne faut pas faire l’erreur de penser que laisser bébé par terre = laisser bébé par terre. La réflexion derrière le geste est importante.
Pour moi, la motricité libre s’inscrit dans une continuité d’outils que j’utilise avec mes bébés. Ainsi, ils alternent entre périodes en portage (ou ils bénéficient de sentir mes mouvements, renforcent leurs muscles, développe leur attachement), périodes de motricité libre et de jeu « libre » et périodes de stimulation plus classiques (par le massage, les comptines et autres). Par contre, je continue d’appliquer les principes de la motricité libre même lorsque nous sommes en activités, entre autres je ne place pas bébé assis ou debout sans qu’il prenne la position de lui-même.
Pour plus de réflexions: consultez la section bébé du blog.
Concrètement, comment ça prend place?
L’aménagement de l’environnement revêt une grande importance dans la motricité libre. On peut disposer par terre un miroir pour que bébé puisse se découvrir alors qu’il est au sol. J’utilise généralement simplement des doudous que je dispose à différents endroits au fil des jours (pour qu’il soit près de moi et qu’ils observent différents angles). Quand bébé est très petit et qu’il y a beaucoup d’action dans la maison, je préfère un parc par contre, le temps qu’il soit plus solide. On peut y mettre 1 ou 2 jouets à sa hauteur. J’essaie toujours de placer les mobiles ou autres jouets visuels de façon à ce qu’il puisse détourner le regard s’il n’a pas envie de les regarder.
L’espace prévu pour bébé peut (doit) être aménagé pour favoriser son développement. En observant notre enfant, et en se renseignant sur le développement des différentes sphères, il est possible de mettre en place de petites choses très simples pour se faire. Souvent, on le fait naturellement, pas besoin d’un mini-gym à domicile, ce qui est disponible dans notre maison suffit bien souvent.
Finalement, dans ma routine quotidienne, il y a des moments où on le place dans cette espace, et il s’y plaît. D’ailleurs, c’est vraiment intéressant de voir l’évolution de son jeu au fil du temps. Il ne faut pas oublier que chaque jour, ses capacités et sa perception du monde changent un tout petit peu, faisant de chaque petite chose, une expérience merveilleuse et valable. Par exemple, depuis quelques semaines, le principal intérêt de Laurent c’était d’attraper et mâchouiller son hochet en bois suspendu. Aujourd’hui son intérêt s’est déplacé, il semble avoir découvert le filet du parc et l’explore avec ses mains.
En espérant vous avoir inspiré à découvrir cette vision du développement des bébés et pourquoi pas, ranger l’exerciseur et sortir une couverture à la place ?