Il y a une pudeur, une hésitation à laisser nos enfants aider. Une raison que je vois est celle-ci : nous voulons tous être le plus loin possible de l’image de l’enfant-adulte, l’enfant-esclave qui avait de trop lourdes responsabilités. C’est très sain de protéger l’enfance des petits, sauf que l’enfance c’est aussi le désir d’imiter, d’être utile.

Ce qu’on va faire parfois, c’est qu’on va vouloir absolument séparer la tâche de l’adulte de celle de l’enfant. On aime avoir une séparation claire.

Il y a 2 ans, j’avais un gros travail de paysagement à faire. Des roches à ramasser et déplacer.

Souvent, voici ce qui se passe:

L’adulte mets les roches dans la brouette et l’enfant peut jouer à les transporter d’un sceau à l’autre.

Dans d’autres circonstances : l’adulte lave la vaisselle et l’enfant peut jouer à laver une figurine jouet.

On trouve ça important qu’il “joue” plutôt qu’il “travaille”.

À la fin de la journée, on souligne à l’adulte la belle avancée dans son travail et on jette les roches du sceau dans la brouette.

Parfois on va mentir et dire à l’enfant qu’il a été utile même si c’est faux. Un bambin vous sourira sous les applaudissements mais un enfant saura bien faire la nuance.

L’enfant aura posé en fait les mêmes gestes que l’adulte sauf qu’il n’as pas droit à la satisfaction, à l’atteinte d’un objectif. Quand l’adulte parle, c’est au je et non au nous. Pourquoi cette distance? Pourquoi autant de “Va jouer !” et si peu de “Viens!”?

Ça s’applique à beaucoup de situations quotidiennes. Cuisiner, faire le lavage, nettoyer. Écuyer les cerises, prendre soin du jardin. Poser du plancher.

Les enfants sont des êtres compétents et capables, et ce dès un âge plus jeune qu’on peut le penser. La motricité libre n’est pas une fin mais un continuum qui peut se transformer en écoute de soi. S’il toujours appris qu’il pouvais explorer, faire ce que son corps est prêt à faire, il est très probable qu’il se connaisse bien. Être avec l’adulte est stimulant.

Sous la surveillance attentive d’un adulte conscient, les enfants alternent entre jeux et aide. Je ne demande pas, je me contente de nommer notre projet et d’avoir de l’equipement adapté pour tous les âges. Ils choisissent le rythme qui leur convient. Je les observe pour veiller à leur bien-être mais je ne tente pas de modifier leurs élans. Certains vont jouer longtemps et finir par venir aider, curieux. D’autres y seront du début à la fin.

Puis on rentre dîner, et lorsque je discute des progrès du matin: tous savent qu’ils sont inclus dans la discussion sans même avoir à le spécifier ou à les féliciter. Ils l’ont vécus, au millieu des autres membres de la famille. Chacun a aidé à la hauteur de ses capacités et désirs. Nous étions là ensemble.

Et chaque roche compte. C’est concret.
Ils font une réelle différence dans la charge de travail !! Que ce soit un sceau remplis que je n’ai pas à faire, une assiette lavée ou essuyée.

Je peux vous dire que selon moi, éloigner les enfants est souvent plus dommageable. C’est les priver d’opportunités et dans ce cas précis, faire l’erreur de nous priver de ce qu’ils peuvent apporter comme aide.