Être parent et éducatrice différemment. Bienveillance, école-maison, éducation alternative au quotidien.

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Faire ses nuits n’est pas un critère de qualité / En finir avec les caprices d’adulte

Alors qu’on est de sortie avec notre bébé, la question vient rapidement, redondante: “Est-ce qu’il fait ses nuits?” La question se veut intéressée, prévenante, mais la réalité c’est que la réponse pousse parfois notre bébé dans une de ces deux catégories définis par la société:

– le bon bébé
– le bébé difficile ou gâté par ses parents (qui fait des caprices)

Ma réponse personnellement est toujours la même: “Je ne sais pas. Ce n’est pas quelque chose à laquelle j’accorde de l’importance.”

Il y a des bébés qui font rapidement leur nuits, presque par magie, pis il y en a d’autres qui se réveillent pour boire aux demi-heures. Ce n’est pas qu’ils sont défectueux; il y a beaucoup de facteurs qui peuvent l’expliquer (pic de croissance, wonder weeks, surcharge) mais ce qu’il faut retenir c’est que c’est normal. On a l’impression qu’ils dorment tous douze heures en sortant de l’hôpital mais des statistiques montrent que les enfants se réveillent en général quelques fois par nuits jusqu’à 3 ans !

En fait, se réveiller la nuit, c’est même un facteur de protection contre la mort subite du nourrisson.

Le problème avec la notion de caprice, ou de bébé “difficile” c’est que ca sous-entends qu’il faut y remédier. On veut modifier quelque chose de complètement normal pour que ca réponde davantage à notre rythme de vie d’adulte. Laisser pleurer son bébé simplement parce qu’à partir de 4 mois, on décide qu’on souhaite répondre à ses besoins uniquement de 7h à 19h, c’est un caprice d’adulte*.

C’est pas facile avoir un bébé. Il faut accepter de revoir nos attentes, nos priorités pour parvenir à concilier nos besoins aux siens. Le problème d’ailleurs c’est surtout ça : une incompatibilité entre leurs besoins et les nôtres. Quand on change notre façon de penser, qu’on se met en mode solutions en acceptant que c’est la normalité de cette phase de notre vie, ça va déjà un peu mieux. Et les phases finissent toujours par passer.

Je veux vous rappeler que ça vaut la peine ses nuits blanches. Quand on le berce la nuit, on pose les bases de son estime de soi (ce qui est la base de pas mal tout.) Quand on l’allaite trois fois en trois heures, on lui apprends qu’il peut avoir confiance. Il a besoin de lait, il reçoit du lait. Il a besoin de réconfort, il reçoit du réconfort. Son cerveau est libre de stress inutiles, lui laissant la possibilité de se développer pleinement.

Alors oui, j’ai encore mon bébé dans mes bras jour, soir, nuit. Non, il n’est jamais à plus d’un ou deux mètres de ses parents. Un très bon bébé oui, qu’il se réveille aux demi-heures ou pas du tout.

*Laisser pleurer son bébé quand on est épuisé, à bout, incertain de nos réactions ça reste la solution la plus sécuritaire et c’est tout à fait différent. Demandez de l’aide. ♥️

La naissance de cette relation frère-sœur

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Elle venait d’avoir 4 ans, et pour la première fois elle était consciente de ce qui se préparait. Elle avait déjà une petite sœur oui, mais elle était si petite lors de la grossesse de celle-ci qu’elle n’avait pas vécu vraiment l’attente. Cette fois-ci, c’était différent. Elle savait ce qui s’en venait et ça l’intéressait grandement. Des centaines de fois, elle m’a demandé de lui lire le livre “Attendre un bébé.” Elle aimait comparer l’histoire à sa réalité, elle jugeait la taille de mon ventre, attendant qu’il devienne très très gros comme dépeint dans les illustrations du conte.

Plusieurs fois par jour, elle appuyait sa tête contre mon ventre et s’exclamait : “j’ai hâte de te voir bébé Laurent!” On lui répétait qu’il naîtrait après Noël et avant la fête de papa. Oh, elle l’attendait tellement!

Elle aimait particulièrement reproduire les scènes du livre: m’apporter mon repas au lit par exemple ou remarquer les étapes qu’on franchissait : « Nous aussi, on a une photo de bébé maintenant. ». Elle avait plié et rangé les vêtements destinés à son frère avec moi, avec grande attention d’ailleurs.

Le midi du 1er janvier, je n’étais pas en forme. Elle m’avait apporté mon dîner au lit. Elle et sa sœur me l’avaient apporté “en équipe” pour être précis. C’est comme une danse, un tandem synchronisé hasardeux ou chacune tient un côté d’une assiette et on espère que rien ne tombe. Je n’avais rien réussit à manger et elle l’avait remarqué. Je me souviens que papa lui avait répondu : ” Maman est fatiguée, elle n’as pas faim.”

1 heure plus tard, je quittais pour l’hôpital. Et je ne suis revenue dans la maison que 23 jours plus tard. Un bébé dans les bras.

C’est gros quand même, pour un enfant de 4 ans comme événements dans sa vie. S’adapter au départ, à la vie sans maman pendant trois semaines, puis au retour avec un nouveau membre de la famille en bonus.

Elle a aimé son petit frère dès la première seconde où elle l’as vue. C’était le soir, elle était fatiguée mais ses yeux ont brillés tout de suite « C’est Laurent ! ». Elle l’avait attendue. Et il étais enfin la.

Quelques jours après le début de notre vie à 7, elle a demandé pourquoi dans le livre, le bébé n’avait pas les traces laissés par des prise de sang au talon, et pourquoi il ne pleurait pas.  “Ils ont oubliés!”

(….)

Cinq semaines ont passés, et elle reste toujours aussi attentive à celui-ci. Elle est toujours prête à lui caresser les cheveux, chanter pour lui, et surtout « m’avertir » dès qu’il fait un son : « Maman! Le bébé veut du lait ! » « Maman, le bébé veut toi! »

J’ai surpris cette scène cette semaine, alors que bébé était déposé par terre, et qu’elle l’a collé par elle-même. De l’amour fraternel brut. J’ai tout de suite sentit que cette photo allait être importante: c’est les débuts d’une relation, leur relation, capté sur le vif.

Déposer le bébé par terre / la motricité libre: Pourquoi c’est important et plus logique que n’importe où ailleurs.

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Ça semble assez simple comme geste : déposer le bébé par terre, idéalement sur le dos. Pourtant, plusieurs oppositions silencieuses risquent de surgir dans notre esprit, dont certaines qui ne reflètent aucunement pourtant les besoins de bébé. “Il va s’ennuyer” ou ‘ça a l’air plate, être couché là à ne rien faire. ” Et puis, il faut se le dire, on se sent un peu coupable parfois, de le laisser là par terre sans être activement en train de le stimuler.

Alors, pensant lui offrir plus de variétés (et se fiant à une logique d’adulte disant que plus de variétés c’est mieux), on va le promener de station en station. Il passera du temps debout dans l’exerciseur, du temps dans une balançoire, etc., etc. Chaque endroit aura probablement des sons, des lumières différentes, parce que pour le divertir on choisira ce qui semble le plus stimulant.

La normalité des enfants se crée au fil des jours, et sans s’en rendre compte, on conditionne nos bébés et leurs attentes… Évidemment, leurs caractéristiques personnelles influencent grandement le tout (je vous évite le cours de psychologie, mais disons que c’est un jeu de ping-pong bien souvent entre ce qu’on offre et comment il y répond, qui nous amène à offrir différemment), mais à la base, il reste que tout ça a une grande influence. Les bébés nés en 1990 et 2018 sont très semblables, mais ceux des années 90 jouaient à parler au téléphone alors qu’aujourd’hui les bébés cherchent à “swipper”. C’est normal, c’est ce dont ils sont témoins qui devient leur normalité.

Pour un bébé, à la base, tout est intéressant. Regarder longuement des feuilles qui bougent ou une scène quotidienne de la maison, c’est suffisant. C’est à force de se faire présenter ‘mieux” sous la forme de jouets très bruyants et flashs qu’il en fait sa nouvelle référence et se désintéresse un peu du reste. C’est que les feuilles d’arbres n’attirent plus autant son attention lorsqu’il s’est habitué à ce que tous les jouets chantent l’alphabet en projetant des lumières.

C’est la même chose pour la position. Lorsqu’on le fait constamment passer d’une position “imposée” à l’autre, il s’y habitue sans être capable de prendre cette position par lui-même. Parfois, ses muscles voir son corps n’est pas prêt à être dans cette position. Surtout, on le coupe de la possibilité d’évoluer à son rythme et de franchir les étapes selon l’ordre naturel des choses.

Les perceptions d’adulte (le besoin d’être “divertit) sont souvent ce qui nous pousse à leur donner plus que ce qu’ils demandent.

Un bébé posé par terre a une grande liberté. Sa curiosité sera le moteur de son développement. Il regarde autour de lui et les bruits naturels de la maison le pousseront à l’effort de tourner la tête de chaque côté. Tranquillement, au fur et à mesure qu’il évolue, il découvrira de nouveaux points de vue. Et un jour, il roulera, rampera, marchera, grimpera… C’est l’évolution telle qu’elle se produit, instinctivement chez le bébé…

De la même façon, si on a toujours marcher pour aller à l’école et été satisfaits de cet état, il se peut qu’avoir une auto nous rende soudainement insatisfaits du même chemin à pied, et qu’on préfère utiliser chaque jour l’auto même si on est bien capable d’y aller sans celle-ci.. 

Déposer bébé par terre : c’est lui faire confiance, c’est lui donner des possibilités, une liberté, répondre à ses besoins… C’est simplement logique. Les défis vont venir naturellement au fil du temps, selon son développement. Un jour il arrivera à ramper, et ne souhaitera plus rester en place et ça sera parfait puisqu’il sera capable de se déplacer lui-même…

La motricité libre, c’est empêcher le bébé de se créer des attentes qu’il ne peut combler seul. C’est répondre aux besoins de son corps entier en refusant de lui donner une position qu’il ne trouvera pas par lui-même (ce qui est une indice que son corps est prêt pour celle-ci).

Appliquer la motricité libre lorsque bébé a déjà expérimenté autre chose peut être délicat, mais il est possible d’y arriver. C’est important, je crois, de prendre le temps et d’aider les poupons à s’y adapter. Comme on le dit souvent: on fait de notre mieux jusqu’à ce qu’on connaisse une meilleure façon de faire.

La motricité libre et la stimulation ne sont pas des opposés
La différence entre la non-stimulation et la motricité libre réside dans l’intention. Il y a une grande différence entre laisser bébé par terre dans un environnement non favorable au développement,  ne pas lui porter d’attention et choisir de lui offrir un endroit sécuritaire et adapté a son développement. Il ne faut pas faire l’erreur de penser que laisser bébé par terre = laisser bébé par terre. La réflexion derrière le geste est importante.

Pour moi, la motricité libre s’inscrit dans une continuité d’outils que j’utilise avec mes bébés. Ainsi, ils alternent entre périodes en portage (ou ils bénéficient de sentir mes mouvements, renforcent leurs muscles, développe leur attachement), périodes de motricité libre et de jeu “libre” et périodes de stimulation plus classiques (par le massage, les comptines et autres). Par contre, je continue d’appliquer les principes de la motricité libre même lorsque nous sommes en activités, entre autres je ne place pas bébé assis ou debout sans qu’il prenne la position de lui-même.

Pour plus de réflexions: consultez la section bébé du blog. 

Concrètement, comment ça prend place?

L’aménagement de l’environnement revêt une grande importance dans la motricité libre. On peut disposer par terre un miroir pour que bébé puisse se découvrir alors qu’il est au sol. J’utilise généralement simplement des doudous que je dispose à différents endroits au fil des jours (pour qu’il soit près de moi et qu’ils observent différents angles). Quand bébé est très petit et qu’il y a beaucoup d’action dans la maison, je préfère un parc par contre, le temps qu’il soit plus solide.  On peut y mettre 1 ou 2 jouets à sa hauteur. J’essaie toujours de placer les mobiles ou autres jouets visuels de façon à ce qu’il puisse détourner le regard s’il n’a pas envie de les regarder.

L’espace prévu pour bébé peut (doit) être aménagé pour favoriser son développement. En observant notre enfant, et en se renseignant sur le développement des différentes sphères, il est possible de mettre en place de petites choses très simples pour se faire. Souvent, on le fait naturellement, pas besoin d’un mini-gym à domicile, ce qui est disponible dans notre maison suffit bien souvent.

Finalement, dans ma routine quotidienne, il y a des moments où on le place dans cette espace, et il s’y plaît. D’ailleurs, c’est vraiment intéressant de voir l’évolution de son jeu au fil du temps. Il ne faut pas oublier que chaque jour, ses capacités et sa perception du monde changent un tout petit peu, faisant de chaque petite chose, une expérience merveilleuse et valable. Par exemple, depuis quelques semaines, le principal intérêt de Laurent c’était d’attraper et mâchouiller son hochet en bois suspendu. Aujourd’hui son intérêt s’est déplacé, il semble avoir découvert le filet du parc et l’explore avec ses mains.

En espérant vous avoir inspiré à découvrir cette vision du développement des bébés et pourquoi pas, ranger l’exerciseur et sortir une couverture à la place ?

T’aimer si intensément – 12 jours de vie

Ou plutôt 12 jours à être là, d’une présence parfois sonore, souvent attendrissante pour l’oeil. Parce que ta vie, ta présence à toi, a commencée bien avant pour moi.

Il y a 2 semaines encore, je te parlais à haute voix alors que ta présence n’étais visible que par une rondeur dans mon corps. Chaque fois, papa m’interrogeait “quoi?” Et je répondais que je ne lui parlais pas; c’est avec toi que je communiquait mon bébé. Je commentais tes mouvements,  te promettais de traverser tes hoquets terrestres avec toi, te disait:” oh, je sait que c’est bruyant parfois ici, ne t’inquiète pas c’est la vie qui se déroule.” Depuis que ta place est dans mes bras, papa continue de répondre “quoi?” quand nous sommes seuls tous les trois et que je te murmure quelque chose.
De mon ventre à mes bras, de la chaleur de mon utérus à ta place sur ma poitrine: tout a changé mais rien à la fois.

C’est que pour moi, c’est comme si tu avais toujours été la. Impossible d’imaginer un monde sans toi. Impossible d’imaginer me réveiller le matin et ne pas pouvoir admirer ton petit ventre qui se soulève. L’amour intense doublée de peur. Aujourd’hui j’ai peur parfois que ton souffle s’essouffle; hier j’ai eu peur de ne plus sentir tes mouvements en moi.

C’est que tu as toujours été là mon bébé. Tu as attendu patiemment ton tour; tu est resté au creux de mon ovaire, un rêve dans ma tête, alors que tu as vu tes soeurs naître une par une. Quand j’ai eu mal à la mâchoire à force d’embrasser ta soeur aînée, renversée par l’amour si intense. Tu étais là quand j’ai aimé ton père, un peu tout croche comme aiment les adolescents la première fois. Tu étais la quand nos chemins se sont séparés, et recroisés des années plus tard.

Tu es un merveilleux fruit du destin mon bébé.

Je te regarde dormir, mon seul souhait pour toi serait que je parviennes à te faire ressentir la pureté de cette amour toute ta vie. Que tu saches que je t’aime si fort, maintenant, et surtout, quand tu hurleras à 2 ans, quand tu ne comprendras pas pourquoi je dit non à 4 ans, quand tu auras l’impression que je manque de temps pour écouter tes histoires à 6 ans. Que moi même je soit capable de me rappeler, qu’un jour tu as été ce si petit bébé que j’ai rêvé de mettre dans une bulle pour protéger son sommeil. Je veut me souvenir de cet amour intense, quand la routine un peu chaotique dirigeras nos vies.

J’admire le miracle que tu représentes. Quatre enfants et j’ai encore du mal à me figurer comment nos corps peuvent créer un être humain aussi unique chaque fois. Chacun de tes étirements me fascinent. Tes bâillements, ta façon de chercher le sein, tes grands yeux curieux qui regardent de gauche à droite.

Mon bébé, ma fille, je t’aime si intensément.

Notre rencontre dans la tempête : la naissance d’Alice.

Il y a quelques mois, alors que je pleure, dépassée par une crise de ta grande sœur; ton papa ne dit rien mais il a un pressentiment. Il n’est pas surpris du test positif quelques jours plus tard. C’est très drôle car tu est apparut dans mon ventre exactement le mois que nous avions prévu en blaguant : tu naîtras dans la même période de l’année que tes trois sœurs.

Les rencontres avec la sage-femme restent courtes et rapides au fil des mois : tu es mon quatrième bébé alors les questionnements sont rares. Nous voulons simplement un accouchement naturel, pour ensuite profiter de notre famille. Lors de la grossesse de ta sœur, ton papa m’avait dit que sa seule peur pour l’accouchement étais que je meurt, j’avait trouvé ça intense, pour moi ce n’étais même pas un risque. Cette fois-ci, il n’étais pas stressé, il espérait seulement ne pas manquer ta naissance parce que j’accouche rapidement.

À l’échographie, nous rions quand on nous annonce que tu es une petite fille. Nous ne sommes pas surpris, après trois filles, il semble que je soit destiné à porter des filles.

Les sages femmes me rappelaient à chaque rendez-vous d’appeler dès le premier doute de travail; elles devaient avoir le temps d’arriver! Mon dernier accouchement a duré moins de 2 heures.

Je prépare ta naissance. La liste de numéros de téléphones d’urgence est affichée. Le piqué en plastique au bruit agaçant pour protéger le matelas. Je fait du yoga. J’utilise beaucoup le ballon pour soulager mon dos. Je dit à tout le monde que tu pèsera plus de 8lbs, je le sent…

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J’ai tracé un grand décompte sur un carton dans la cuisine, chaque semaine nous encerclons le nombre de semaine de grossesse correspondant. Le mardi, nous encerclons le chiffre 40. Nous sommes curieux de savoir quand tu naîtra, sachant que ca arrivera bientôt. Ton papa, avec raison, a prédit le 4 novembre, une suite logique à la naissance de tes 2 dernières sœurs (elles sont nés à 40+2 toutes les deux, et pour toi ça donne 40+3).

Ce matin-là, un peu avant 5h, j’ai été réveillée par une contraction très douloureuse: rien d’anormal, c’etais normalement un signe de vessie trop pleine. D’autres contractions, moins douloureuses ont suivis, avec seulement des 3-4 minutes d’écart. J’ai été prendre un bain rapide pour voir si ça arrêtais le travail: aucun effets.

À 5h tappant, tes soeurs se sont toutes réveillées une après l’autre. Elles se réveillent toujours vers six heures normalement alors ça m’as un peu déstabilisée. Je les ai envoyé déjeuner alors que j’essayais d’évaluer le sérieux ou non de mes contractions.

Vers 5h15, j’appelle la sage-femme, au cas où ce soit le bon moment mais je doute encore un peu, elle me réponds qu’elle viendra m’examiner au cas ou… Puis j’appelle ton papa qui est chargé d’appeler ta mamie afin qu’elle vienne s’occuper de tes sœurs.

Celles-ci déjeunent encore et discutent a table alors que je calcule les contractions dans mon lit en les écoutant parler. C’est la vie normale qui se déroule juste a coté alors que les vagues sont la, régulières. Je suis couchée sur le ventre, sous la robe de chambre de papa.

Vers 5h30, les contractions sont plus douloureuses, et papa me préviens que mamie aura du retard. J’appelle donc mon père qui habite plus près pour venir en attendant. À un moment Charlotte vient demander du lait-lait alors elle s’installe coucher à côté de moi et tête un peu avant de repartir. Pendant qu’elle boit, les contractions sont peu présentes, un cinq minutes de calme.

La sage femme arrive et salue tes soeurs, leur demandant si elles ont hâte de te voir. Elles ont effectivement très hâte !

Je suis encore couchée, dans ma bulle. Elle me demande où est le café et je répond un peu n’importe quoi, je suis là mais ailleurs. Je suis au milieu des vagues, dans mon cocon de chaleur.

Dès son arrivée, je mets mon téléphone de côté, je n’ai plus besoin de calculer les contractions, tu sera bientôt la, je le sais…

Elle avait parlée de m’examiner au téléphone, mais finalement elle opte pour tout installer tout de suite… Elle est probablement consciente que ça risque d’aller vite.

Papi arrive juste après la sage-femme. Celle-ci s’occupe de tout installer alors que je continue de vivre dans les contractions presque constantes.

Mamie arrive, elle fait du café et je les entends discuter de tout et de rien. C’est un souvenir très important pour moi, je t’attends, on t’attends, dans le calme et le bonheur. La douleur est là, oui, mais dans le reste de la maison, la routine matinale continue.

Ta mamie prépare aussi un café pour la sage femme qui a été réveillée tôt.

Celle-ci m’examine finalement et je suis à 9cm, tu sera bientôt la! Il est environ 6h30. À un moment, j’entends ta mamie demander à la sage-femme si elle pense que tu naîtras ce matin, ce à quoi elle réponds que ce sera dans la prochaine heure.

Papa arrive enfin! Les contractions sont maintenant très intenses. Je demande à ce qu’on éloigne les enfants, alors comme prévue elles sont installés dans le sous-sol avec un film, coupé du son et de ce qui arrive en haut. Les points de pression me soulage énormément, je les exige à chaque contractions.

La douleur est très forte, ça me rapelle mon dernier accouchement, ce moment où seul la poche des eaux retient la tête. J’ai l’impression que je n’y arriverai pas, je tombe un peu en mode panique, la douleur est trop forte et je n’en peut plus. La sage-femme m’examine, tu es prête à sortir. À la prochaine contraction elle crèvera les eaux. La deuxième sage femme va chercher ton papa, qui est en train d’aider à installer les grandes en bas, elle lui dit de venir maintenant pour ne pas rater ta naissance.

Elle crève les eaux, je pousse, je sent ta tête descendre puis je la touche de mes doigts. Je pousse encore, ta tête est sortie, il ne reste que les épaules à passer. Tu pousses ton premier cri alors que j’attends la prochaine contraction pour pousser encore, et que ton corps est encore en moi…

6h45*: on te dépose sur moi. Mon bébé est là !

J’ai passé des mois à préparer la suite; nous avons acheté des draps remplis de douceur pour nos premiers jours ensemble, du jus en boîte (celui que j’ai eu de la difficulté à résister à boire en entier enceinte) est dans la table de chevet, le congélateur contient des repas rapides. J’imaginais ton arrivée dans mes bras rimer avec la fin de la douleur et le début du bonheur. Je te voyais ramper jusqu’à mon sein, tes sœurs venant te rencontrer…

Mais voilà, 6h46*, l’orage éclate. Tu es en parfaite santé mon bébé, mais dans la minute suivant ta naissance, ma santé à moi commence à décliner.

Je perds (trop) de sang, la sage femme tombe en mode protocole. Elle coupe rapidement le cordon et dit à papa de se préparer à te recevoir en peau à peau.

Tu as une minute de vie et tout ce qui étais prévue pour la suite vient de s’écrouler.

On me donne une piqûre, un médicament sous la langue, puis un autre, puis un soluté. On m’aide à faire sortir le placenta espérant que ça fonctionne. Encore du sang.

On demande à ton papa, collé à toi, d’appeler le 911 “juste par prévention”, elles espèrent encore reprendre le contrôle. Le répartiteur est surpris que ce soit papa qui appelle, il lui demande pourquoi ce n’est pas les sage-femmes qui font l’appel et papa lui réponds qu’elles sont trop occupés.

Je voulais pour toi une naissance dans le calme, et tu vit tes premiers moments dans le stress ambiant.

La sage femme tente d’arrêter le saignement en maintenant une pression interne et externe sur l’utérus. À la seconde qu’elle retire sa main, de gros caillots passent. Elle remets ses mains en place pour contrôler le saignement. Les ambulanciers arrivent, elle les informe qu’elle ne peut pas retirer ses mains tant qu’elle n’est pas devant le gynécologue prêt à réagir. Ils m’installent dans un brancard sans jamais qu’elle retire ses mains. Ton papa les voit partir, leur demande quoi faire avec toi, la sage-femme réponds de venir les rejoindre à l’hôpital. Elle est avec moi sur le brancard alors qu’on embarque dans l’ambulance. Parfois l’autre sage femme prends le relais pour la pression externe: sa main est engourdis. Elle essais de me rassurer: peut-être que le saignement est déjà finit, elle ne veut prendre aucun risque. Quatre petites filles ont besoin de moi.

À l’arrivé à l’hôpital, ça semble un peu mieux. Elle retire sa main. Les saignements se calment légèrement bien qu’ils restent présents. Pendant ce temps, tu rencontres tes sœurs puis papa t’habille rapidement, tu feras ton premier trajet en auto à moins d’une heure de vie. Il vient nous rejoindre. Notre première rencontre ne dure pas longtemps; tu prends le sein quelques courtes minutes puis je dois te retirer: le bloc opératoire m’attends. Même si moins intenses, les saignements restent constants et personne ne comprends pourquoi : j’ai pourtant reçu plusieurs médicaments et ça devrait être complètement arrêté. En attendant le bloc, tu es pesé. Depuis des semaines, je dit que je sent que tu dépassera le 8lbs, et j’ai raison. Tu pèse 8lbs 1 once.

Vers 10 heure. Je pleure en attendant mon tour au bloc, tu va avoir soif et tu as besoin de moi. Le médecin me rassure, une révision utérine et peut-être un curetage, c’est rapide. 45 minutes et nous serons ensemble mon bébé. 45 minutes et enfin nous serons tranquille, à se coller.

Je suis endormie.

[….]

2 heures passent. Papa n’as pas de nouvelles encore. Peut-être un délais à cause d’une chirurgie plus urgente?

[…]

La gynécologue vient rencontrer papa et toi, qui m’attendez encore… Elle lui explique que ça ne va pas bien. Mon état est critique, je perds énormément de sang, et ni le curetage ni le ballonet n’ont fonctionné. Ils m’envoient en radiologie subir une embolisation (en résumé : obstruer l’artère en passant par l’aine, afin de couper le flux sanguin vers l’utérus). Si ça ne fonctionne pas, ils vont enlever l’utérus. J’ai perdu 2 litres de sang, le saignement doit absolument arrêter.

Papa a peur, il pleure avec toi dans ses bras, en te nourrissant à la seringue (il évite le biberon pour préserver mon allaitement). C’est dur à admettre encore aujourd’hui mais il y a eu un moment où ils ont craints qu’on ne se rencontre jamais, mon bébé.

J’ai reçu quatre transfusions de sang et deux de plasmas. C’est en grande partie ce qui m’as sauvé mon bébé, on me l’as répété plusieurs fois.

Papa se couche avec toi en peau à peau.

De la chance dans la tempête : ma cousine travaille justement à l’hôpital ce jour-là et veillera à le supporter et l’aider à avoir tout le nécessaire pour prendre soin de toi.

[….]

Je me réveille vers l’heure du souper, j’ai soif. Je ne me rends pas compte des fils tout de suite, ni que je suis aux soins intensifs. J’ai juste soif et je ne peut pas boire. Je demande à te voir, ma gorge est douloureuse quand je parle.

On m’explique que je dois rester coucher absolument, de toute façon mon corps est trop faible.

Papa et toi arrivez, je suis presque incapable de bouger. Je ne peut pas te prendre ni t’avoir sur moi; l’infirmière prends le temps de t’installer à côté de moi…

Tu es belle mon amour.

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Tranquillement je prends conscience de ce qui est autour de moi. La sensation des bas compressions sur mes jambes qui gonflent à un rythme constant. Mes 2 bras qui ont des solutés, la voie artérielle, les moniteurs, la sonde urinaire, la morphine libre-service. j’interroge constamment les infirmières sur tout, chaque bonne nouvelle sur mon état me rapproche de toi et moi collé dans mon lit.

Nous sommes ensemble mais je ne peut que te regarder. Regarder les autres te manipuler. J’ai droit à presque 2 heures avec toi, puis tu doit me quitter. Tu va dormir à la maison avec papa. Ta mamie va rester avec vous pour la nuit, afin que ton papa puisse revenir à l’hôpital en cas d’urgence.

Après ton départ, j’ai droit à un premier essais assis. Je mange du jello. Je dort. Je rencontre le radiologiste qui s’est occupé de moi. Il dit que j’ai été chanceuse, un timing parfait, il sortait d’une opération quand ils ont eu besoin de lui pour moi.

[….]
3 heures du matin.

Le responsable des soins intensifs vient me voir. Mon état va beaucoup mieux, ma pression a remonté, mon hémoglobine semble stabilisé. J’aurai mon congé des soins intensifs le lendemain matin. Il m’explique ce qui s’est passé: j’ai fait peur à beaucoup de gens. Il est merveilleux; il autorise dès maintenant l’allaitement et le retrait de certains moniteurs et d’un soluté pour que ce soit possible.

J’appelle ton papa, qui te prépare pour venir me rejoindre. Je suis très heureuse; enfin mon bébé nous serons ensemble !

On me met une poche de soluté qui brûle en pénétrant dans mes veines. Je t’attends.

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21 heures après ta naissance, tu es enfin déposée à côté de moi, sans rien pour nous séparer. Papa doit m’aider à te mettre au sein mais nous sommes ensemble.

Quelques heures plus tard, ta tante prends le relais une deuxième fois de papa. Hors de question de nous séparer maintenant qu’on est ensemble, mais mes mouvements sont encore limités.

Le deuxième jour est difficile. Tu hurles quand j’essaie de te mettre en peau à peau. Tu refuses le sein. J’ai peur de ne jamais arriver à ce moment espéré : toi collé contre moi qui s’endort paisiblement en tetouillant.

Pour toi, j’ai une odeur de tempête, on dois prendre le temps de s’adapter ensemble, de te rassurer. Tout va bien mon bébé, maman est là.

Les levés sont atroces, j’ai mal, j’ai peur de saigner…J’ai besoin de quitter l’hôpital pour qu’on soit au calme toutes les deux mais je me rends compte que je n’aurai pas mon congé si je n’arrive pas à me déplacer seule. Je passe ainsi la soirée à forcer mon corps douloureux à se mouvoir. Le lendemain je convaint le médecin de me laisser quitter plus tôt..

La sortie d’hôpital est remplis de rires.. ton papa et moi sommes tellement heureux.

Notre petit nid dans mon lit. Puis doucement on y arrive. On dort collé une première fois alors que tu es bien emmailloté. Puis un autre jour tu prends le sein sans pleurs.

Et nous voilà à jour 7, collées ensemble dans les draps super doux, tu te réveilles, tête un peu, te rendort collée contre moi…

Le bonheur après la tempête…

(…)

Le premier mois est difficile. Mon corps est faible. Je suis étourdie facilement, limitée dans mon énergie. Mon hémoglobine est basse et je le ressent. Je passe une grande partie de mes journées à dormir avec toi et t’allaiter. J’installe la chaise berçante dans la cuisine et j’y passe de plus en plus de temps au fil des jours. Je suis heureuse, collée sur toi, à profiter de la vie de famille de ma chaise.

Noël approche, je t’installe en portage sous mon manteau et je vais prendre une première marche. Ta sœur est fascinée par les décorations, elle s’asseoit pour les admirer.

En janvier, je vais mieux. Physiquement, je suis remise; j’ai gagné contre l’anémie.

Puis, après le corps, j’ai dut guérir mon esprit. Écrire, parler, t’aimer, pour faire le deuil, accepter…

J’ai fait un journal, j’y ai écrit tout ce que j’avais manqué, ce qui me rendait triste. Et de l’autre l’autre côté de la page, j’ai écrit tout ce que j’était heureuse d’avoir vécue. Au fil des jours, la colonne positive s’est agrandit et à dépassé le négatif.

Quelques mois après, j’ai revu le gynécologue, j’avais besoin de parler du futur. Il m’as regardé droit dans les yeux et m’as dit: ” si tu veux un autre enfant, je ne te laisserai pas mourrir, ne t’inquiète pas de ça…”

….

J’ai écrit plusieurs articles sur le sujet sur différents blogs, magasines, sur notre allaitement aussi. J’ai raconté, raconté, raconté, aux autres et a moi-même aussi. Je suis allée à des rencontres pour mamans. Je pense que j’avais besoin de raconter pour accepter que c’était vraiment arrivé. Et tranquillement, j’ai commencé à moins ressentir le besoin d’en parler.

Et nous voilà à quelques jours de tes un an. Tu es mon bébé le plus calme, mais aussi la plus colleuse. J’aime être près de toi et toi de moi. Tu as une personnalité fascinante. Il y a quelques jours, tu t’es levé au milieu du salon et tu as marché, juste comme ça.

Un jour tu vieillira et tu découvrira la tempête qui a entouré ta naissance. Sache que c’est ok. Ca valait la peine: tu valais la peine, je n’en ai jamais douté.

Rayonnes mon bébé, car tu es né tel un soleil lumineux au cœur d’une tempête.

*Je ne connais pas l’heure exacte de sa naissance. Personne n’as eu le temps de regarder.

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